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JAMAIS RIEN POUR PERSONNE
que les gens ne comprendraient pas. Ni même mes parents,
d’ailleurs. Et je n’ai pas envie de me sentir jugé, ni de parler de
ces choses aux autres.
En relevant la tête, j’aperçois un beau papillon, luttant face
à la fenêtre close de ma chambre. Il tente de rejoindre l’extérieur.
Ses battements d’ailes incessants commencent à m’exaspérer. Je
n’arrive plus à me concentrer pour écrire. Il faut que je fasse
quelque chose.
Me voilà de retour. Je me suis approché lentement de la
fenêtre et ai écarté délicatement le rideau. Au moment où le
papillon a tenté de s’envoler, je l’ai attrapé au creux de mes mains
et l’ai gardé prisonnier pour mieux le regarder. Ses ailes étaient
d’un bleu clair comme le ciel. Il était tellement beau… Mais il a
continué de se débattre pour tenter de s’échapper, comme s’il
avait peur de moi et je n’aime pas que l’on ait peur de moi.
J’ai immobilisé alors son petit corps d’insecte entre mon
pouce et mon index. Les ailes continuaient à battre dans le vide.
Ces mouvements répétitifs ne lui permettaient pas de s’envoler. Je
le tenais sous mon emprise et c’était agréable. C’est la première
fois que je voyais un papillon d’aussi près. Je pouvais faire ce que
je voulais de lui.
A la fin, j’en avais un peu marre de le regarder tenter de
s’échapper. Sans le tuer, je lui ai arraché ses deux ailes et je l’ai
posé sur le bord de mon lit. Mais bête comme il est, il est tombé
par terre. Un jour ou l’autre, quelque finira bien par lui marcher
dessus. C’est désormais la meilleure chose qui puisse lui arriver.
À demain.
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